Yuki no kuni, ne ? Combien de temps s'était-il passé depuis ces temps obscurs ? Ces landes de glaces étaient-elles restées les mêmes, où cette scène désolée s'était-elle vue érodée sous les flots inconditionnels du temps ? Il emporte les âmes corrompues, ronge les peaux dénudées, affermit l'esprit, mais dans tout les cas, n'inflige que peines et souffrances à ceux qui ne font qu'essayer de le dompter. Le temps n'est qu'un animal sauvage, et plutôt que de succomber à ses intempéries, pourquoi ne nous contenterions pas de vivre avec lui ? Elle effleura alors le sol d'une main rêveuse, sans doutes pour se remettre dans la situation qu'elle avait toujours espérer ne jamais quitter. Reverrait-elle peut être ces quelques connaissances, pourrait-elle remettre des noms sur ces visages brumeux qui hantaient sa mémoire, et toujours autant apprécier la compagnie d'autrui ? Elle l'ignorait, mais en aucun cas elle ne perdait de vue son objectif premier, à savoir récupérer les informations volées par les plus vils roublards qu'on ait pu connaître.

Engourdie par le froid toujours plus mordant, elle retira sa main de la neige avant de l'enfoncer de nouveau dans l'épais gant de fourrure qu'elle avait emporté pour l'occasion. Le paysage face à elle restait calme et mélancolique, un zéphyr balayant les champs de cristal avec une délicatesse brumeuse, tandis que le spectacle ne se voyait perturbé que par les quelques péripéties d'une paire de lièvres. Ces derniers se dressèrent alors sur leurs pattes à la vue de la jeune femme, pour finalement partir paisiblement, engloutis par les neiges d'un hiver sans fin. Cette scène arracha un léger sourire à la détentrice de l'oreille divine, avant qu'elle ne revienne à son périple parmi les glaces. Progressant patiemment en admirant toujours plus ce paysage chatoyant et ces landes saupoudrées d'une mort doucereuse et enlaçante, elle ne put cependant pas retrouver les souvenirs d'un froid rigoureux et ses mémoires d'enfant au hasard de la toundra.

Nostalgie des premiers jours, elle effleura l'écorce d'un arbre mort, ce même qu'elle voyait comme un reposoir par les jours couverts, en attendant une pluie salvatrice et pénétrant jusque dans son âme par sa froideur incomparable. Élancement des jours passés, elle ne put satisfaire ses désirs les plus espiègles sans remettre en cause sa maturité grandissante. Et pourtant, c'était dire que cette sensation lui manquait inéluctablement. Plusieurs minutes passèrent alors, dans le froid et la solitude, avant qu'elle ne finisse par avancer de nouveau. Peut être pas de la façon la plus prudente qui soit, mais elle percevait sans grande difficulté la hâte des truands de haut étage, aussi prenait-elle son temps. Avec un peu de chance, elle arriverait à leur campement une fois le crépuscule atteint, pouvant pleinement mettre à profit ses capacités, pour enfin se faire la porteuse d'un courroux emblématique et exutoire. Se faisant, elle était devenue l'épée de Damoclès qui menaçait sous la tête des maraudeurs, la lame purificatrice de la justice des sables. Une image tristement réaliste à ses yeux, mais tout autant rédhibitoire d'un point de vue technique. N'était-elle pas sensée être la porteuse de la vérité, la passeuse des âmes des défunts, et non pas celle qui devait occire le Malin ? C'était tellement limité et rébarbatif...

L'écho se fit alors anodin, innocent. Comme une mélodie doucereuse qui trahissait néanmoins une intention nette, dissimulée derrière les promesses vides d'un cœur vicié par la ruse et l'amusement, elle allait et venait, tantôt tonitruante, tantôt coite. Un kaléidoscope de sensations, une valse des sentiments si parfaite, mais si parlante, que la jeune femme n'eut aucun mal à découvrir quelle en était la source. Sortant ses mains de l'épaisse veste en fourrure dont elle disposait, elle les pointa chacune dans une direction différente, avant de laisser jaillir de l'index deux boules lumineuses qui fusèrent vers le vide, mais surtout la salvation. Quel bonheur que de disposer d'un atout majeur contre ce genre de techniques... La ruse céda alors sa place à la surprise, mêlée d'une étrange sensation. De la fierté peut être, mêlée à une vague condescendance qui fit tiquer la jeune femme. Ces énergumènes pensaient-ils que plonger la jeune femme dans un genjutsu serait suffisant pour prendre le dessus sur elle ? Âpre dans sa façon de faire, Amane sembla avoir fait mouche sur une des deux cibles, la faisant apparaître sous la forme d'un nuage de fumée on ne peut plus caractéristique. Serait-elle seulement tombée face à des clones visant à récupérer des informations sur le niveau de l'intruse ?

Elle fut cependant rapidement tirée de ses interrogations par une voix perdue entre deux temps, l'écho d'un amour perdu et d'une connaissance si...proche. Elle s'extirpa alors de cette époque, partagée entre une joie irrépressible et une humilité toute particulière. Était-ce vraiment lui ? Ce même renard fantôme, le porteur de la sagesse des glaces... L'omniscient, Torihiki Asu, deuxième du nom. L'heure serait-elle aux retrouvailles finalement ? Hurlant son nom, comme si l'espace d'un instant il ne l'avait pas remarquée, elle s'élança dans sa direction, faisant claquer son imposante veste aux quatre vent, les larmes perlant sur son visage. Combien de fois avait-elle rêvé de ces traits, combien de nuits ce visage hantait-il ses rêves ? Sans doutes pas assez désormais, pas tant que sa simple présence la galvaniserait autant, l'exhortant au vice le plus doux qui soit. S'était-elle seulement rendue compte que cette fois encore il portait son index à sa bouche ? La neige se mit alors à fondre, révélant un impressionnant complexe de chakra qui circulait sous la forme d'un sceau prenant place sous ses pieds. Quels démons avaient pris possession du cœur du blondin pour qu'il utilise pareille technique sur son élève d'antan ?

La fraîcheur se faisait désormais omniprésente, au même titre que la pression portée à sa poitrine. Respirer était impossible, et elle ne put que sentir les ténèbres l'engloutir inéluctablement. Pourquoi ô grand pourquoi, avait-il fallu qu'elle soit à la recherche d'un être jadis aimé ? Enlacée, elle ne sentait désormais plus que ce goût de sel suintant dans sa bouche, mélange d'amertume et de soulagement confessé...