J’aime mon petit frère, c’est la seule personne pour qui je donnerai tout ce que j’ai si jamais il lui arrivait malheur. Je pourrai tuer pour lui, ou le tuer. Le seul problème qui se pose là, c’est qu’il est déjà mort.

A part ça, j’ai mal aux pieds. Ca fait déjà plusieurs semaines qui je me suis perdue dans cette forêt à n’en plus finir. J’ai faim aussi. Ce n’est pas vraiment la saison des fruits que j’apprécie le plus, mais bon, pas le choix. Et ce soleil de plomb qui me tape sur la tête depuis des heures à travers les feuillages, une horreur ! Bref, me revoilà devant cette saleté d’intersection où je n’arrête pas de repasser. Ô miracle, j’aperçois un voyageur un peu plus loin. Je presse le pas, il ne faut pas que je le perde de vue, sinon mes chances d’atteindre le village seront réduites à néant.

Une fois arrivée à une vingtaine de mètres de l’homme qui semble être un marchand, je tente de parler. Un grognement rauque sort de ma bouche, ce qui m’effraie un peu. C’est vrai, je n’ai pas parlé depuis bien longtemps. Pas besoin, j’étais seule.
Je retente mon coup, me raclant la gorge au préalable.

« Ohé, s’il-vous-plaît ! »

Gagné, j’ai été entendue et visiblement comprise, vu que l’inconnu arrête sa marche et se retourne. Contrairement à ce dont je m’attendais, son visage devient blanc comme neige en me voyant. Ah oui, ça doit être ma tête de cadavre qui doit faire peur à voir. Il ne faut surtout pas qu’il prenne la fuite, donc je n’ai qu’une seule chose à faire, avoir l’air gentille.

« Excusez-moi, mais vous comprenez, je suis perdue. Je cherche Konoha, connaissez-vous le chemin ? »

Gros effort, je parviens à sourir. J’en suis même très fière. C’est un énorme progrès ! Si je continue comme ça, je pourrai éventuellement redevenir comme avant ? Bref, cet enthousiasme me sert, l’homme se défait de sa peur et réussi à me bredouiller le chemin à prendre. Je le remercie et reprend ma route.

Je me demande ce qui m’attend. Rien. Enfin personne. En y réfléchissant, c’est vrai, personne dans ce village de ninja n’est au courant de ma venue. D’ailleurs, je ne sais même pas s’ils m’accepteront. Pourquoi le feraient-ils ? Si ça se trouve, je vais me faire jeter avant même d’avoir passé l’entrée. Bah, tant pis, je tente le coup. C’est la seule chose à faire, vu que je n’ai aucune perspective de mon avenir. Si déjà j’ai eu la chance d’avoir été formée, autant en profiter.

Et c’est là que, à travers les arbres, je l’aperçois. Un mur, des portes, énormes. J’aboutis enfin à quelque chose ! Ca me revigore, je sens l’excitation monter et mes yeux s’écarquiller. J’accélère donc le pas, puis m’arrête.
Finalement, je ne sais pas, je ne suis plus vraiment sûre. Une nouvelle vie en société ? De nouvelles trahisons ? De nouvelles morts aussi inutiles qu’injustes ? Certainement. Et ça, c'est tout simplement hors de question, je ne surporterai pas revivre ça. Je tourne les talons, donc, et repars. Au bout de quelques pas, je m’arrête.

Et puis m*rde, re-demi-tour et marche avant pour rentrer dans le village !

Mais, mais, mais.. C’est quoi ca ?! Gros choque émotionnel il faut l’avouer. Me retrouver la tête dans la poitrine d’une inconnue ! Reflexe : un bon en arrière, et mes yeux vides plus écarquillés que jamais. Bon, elle a l’air assez gênée, j’en conclue qu’elle ne doit pas être aussi perverse que ça, hein. Je me sens obligée de rire en essayant d’imaginer la scène, pourtant, mon visage reste de marbre, comme à son habitude. En y regardant de plus près, la personne en face de moi m’impressionne. Son style vestimentaire me laisse comprendre que ce doit être une fille extravertie. Mon contraire. Un visage déterminé, même si la gêne qui s’était installée entre nous le rendait rougit. Le mien aussi devait être bien rouge d’ailleurs !

Le bras droit du Hokage.. Une personne respectable alors, certainement très forte. Enfin bon, c’est mon premier contact avec une ninja de Konoha. Sont-ils tous comme ça ? Je verrai bien, mais pour l’instant, ça me plaît assez.

« Oosei Ureigao, je… »

Haha. Je quoi ?! Je n’avais pas encore réfléchi à quoi dire ni quoi raconter de ma vie lorsque j’entrerai dans le village. Baaaka ! Je pensais simplement entrer, dire bonjour et puis voilà. Je m’étonne de mon idiotie, parce que là, franchement, elle dépasse la limite. M’enfin, que dire ? Sûrement pas : « Bonjour, alors en fait, je suis un monstre qui a commis des horreurs, mais je connais deux trois jutsus qu’un voyageur que j’ai croisé m’a appris pour justement que je devienne le monstre que je suis, et vu que je ne sais pas quoi faire dans ma vie, j’aimerai devenir ninja ! ». J’opte donc pour la version courte.

« Je voudrais faire partie du village. »

Pour faire court, ça, c'est du cour ! Pathétique. Mais bon, c’est clair et conçis. Après tout, je ne pense pas qu’il soit très utile d’afficher mon passé dès mon arrivée. Les gens n’ont d’ailleurs pas besoin de savoir. Tout ça, c’est derrière, je suis ici justement pour changer de vie.

Au fait, c’est normal qu’une personne aussi important pour Konoha aille se baigner tranquillement au milieu de l’après-midi ? Elle est vraiment bizarre cette fille. En plus, elle me prend pour une gamine. J’ai l’habitude que les gens me prennent pour plus jeune, avec des « Oh que t’es kawaiiiiii ! » . Et c’est quoi cette manière de me tirer les joues ?! Elle est folle, elle est totalement folle ! Je crie au secours intérieurement… Bon.. Si ça lui chante, pourquoi pas. C’est vrai que j’ai une tête de môme avec une petite voix fluette, c’est pas de ma faute, et ce n’est pas de la sienne si elle doit croire que j’en suis une. Avec tout ça, elle me propose de m’aider. D’accord.

« Je ne sais pas ce qu’il faut faire, ni comment s’y prendre. »

Eh voilà, en plus je raconte deux fois la même chose. Elle me met mal à l’aise cette fille ! Ou bien je suis bien plus nerveuse que d’habitude. En plus, elle est grande. Je me sens vraiment ridicule à côté, obligée de lever la tête pour la regarder en face. Une odeur me travers les narines, attendez, y a un restaurant pas loin, avec de la nourriture chaude ?! Bon, si déjà je me sens idiote, alors autant aller jusqu’au bout de la honte.

« Et j’ai faim. »

Comment quelqu’un pouvait être comme elle ? S’ouvrir, comme ça, à une inconnue. Plus j’y pense, et plus je commence à me demander si en fait, au lieu d’être à Konoha, j’ai atterri dans un village de fous. Mais c’est impossible. Ces murs, ces habitations, ces rues... Cette architecture particulière au pays du feu me rappelle un peu d’où je viens. Pourtant, tout ici respire la joie de vivre, les passants et les marchands que l’on a croisés avaient un sourire béat, comme si on leur avait annoncé à chacun que tous leur souhaits seraient exaucés. Ceci ne fait que confirmer le fait que je sois à Konoha. D’après ce que j’ai appris de ce village, il était paisible depuis les grandes guerres. Tant mieux pour eux, en espérant que ça dure.

J’ai laissé Naoko me traîner vers un stand de ramen. Chez Ichiraku, elle a dit. Je ne sais toujours pas si la meilleure chose à faire serait de partir en courrant ou de ne rien dire. Après tout, cette fille est très.. arrangeante. Elle n’a pas cherché à comprendre, et m’a accepté comme ça. Bon, il faudra quand même qu’un jour je lui dise que je pourrai jamais être sa fille, si ça se trouve je suis même plus âgée qu’elle.. Elle m’a même offert le gîte et proposé d’être son élève ! Une partie de moi voudrait que je saute de joie, voire que je lui saute au cou en la remerciant. Pourtant, une petite voix m’interpelle : trop de gentillesse devrait cacher quelque chose. Mais je ne m’en fais pas pour l’instant, il est trop tôt pour commencer à réfléchir au pourquoi du comment, je meurs de faim. Je m’apprête à la remercier lorsque je vois sa main s’approcher un peu trop près de mon visage. Trop tard, la voilà qui me le caresse. Ce contact me donne l’impression d’être électrocutée. Quand était-ce, la dernière fois où quelqu’un m’a adressé un geste comme celui-ci ? Pas envie de m’en rappeler.

Aaah, enfin, à manger ! La voyant commencer le repas, je fis de même. Ce bol de ramen est exceptionnellement bon, du coup, je mets un peu plus longtemps à répondre. Cependant, Naoko venait de retoucher LE sujet. Ma vie. Pff.. Que dire, que dire ? Je ne veux pas lui mentir, elle est bien trop gentille avec moi. Je décide donc de répondre avec franchise.

« Je veux apprendre. Je connais déjà quelques techniques, mais j’aimerai les approfondir. C’est pour ça que je suis venue ici et que j’ai laissé ma famille derrière moi. Je suis très heureuse que tu me prennes comme élève et que tu m’offres le gîte. Par contre, traite-moi comme une élève, et non comme une fille, s’il te plaît, Sensei. »

Mon ton était certes autoritaire, mais ce n’était pas volontaire. De plus, comme elle me tutoie, je me suis permise de faire la même chose. Etait-ce trop, de tutoyer une kunoichi aussi importante pour le village ? Baah.. Si elle m’adore autant qu’elle le dit, ça devrait passer. J’espère en même temps qu’elle prendra ma demande en compte. Je suis loin d’être habituée à ce qu’on me chouchoute comme un doudou ; le sérieux me convient bien mieux. Même si d’un côté, je dois concevoir que son comportement est plutôt apaisant. Se sentir exister pour quelqu’un, c’est pas trop mal en fait.

Le bol m’appelle, je me remets à manger, plus vite cette fois. Y a pas à dire, ils sont excellents ! Tellement que, sans m’en apercevoir, j’en oublie le monde extérieur, et je termine. Je me sens pressée, j’ai hâte. Mon but depuis le début était de pouvoir faire partie du village, voilà chose faite. En plus, j’ai la chance d’être l’élève (peut-être l’une des élèves ? mais aucune importance) d’une personne dont je pouvais apprendre beaucoup. Tant de choses m’attendent ! L’enthousiasme me gagne, je repose mon bol vide et reprends la parole.

« Merci pour le repas, c’était très bon. Si tu es d’accord, j’aimerai que nous nous y mettions tout de suite ? »

Se mettre à quoi au fait ? Entraînement, mission ? Qu’importe, mais je veux bouger, essayer de faire mes preuves tout en faisant de mon mieux. Raah, à croire que c’est juste le fait de manger qui me remotive ! Je regarde autour de moi. La ville me paraît toute autre. C’est très étrange, mais je commence à comprendre pourquoi tous ces gens ont l’air heureux. Ils essaient tous de vivre leur vie au mieux, et de profiter de ce qu’elle leur apporte. Ils ont des rêves, des buts, des espoirs.

Mon regard se tourne à nouveau vers Naoko. Elle aussi avait fini son bol. Bon, alors qu’est-ce qu’on attend ?