Les retrouvailles du siècle.

Décidemment, le beau temps à Konoha avait la sale habitude de me mettre dans tous mes états. J’étais de plus en plus sanglante avec mes deux compagnons, ceux que je devrais encore supporter pendant un long moment. Comme chaque jour, nous devions accomplir des tâches, toutes plus ingrates les unes que les autres. Aujourd’hui, c’était une escorte de riches marchands. Il n’y avait qu’une heure de route et normalement aucun danger. Si bien que nous n’étions que trois genin pour aujourd’hui. Aux portes du village, la forêt restait dense et pourtant les prairies plus loin allaient nous montrer le chemin à suivre pour rejoindre le petit patelin ou se faisait toutes les livraisons importantes, les comptes rendus des caisses. Les marchands avec nous transportaient assez d’or pour toute une cargaison et l’échange n’allait pas être efficace si des bandits du coin venaient mettre un peu le bazar.

La chaleur ambiante était plutôt douce et agréable et pourtant je ne pouvais m’empêcher de faire, comme toujours, des remarques sarcastiques à mes deux collègues de travaille qui n’en pouvais d’ailleurs plus. La route allait être longue et pas forcément sinueuse, je m’attendais même à une marche incessante et totalement contrariante. J’étais peut-être encore un peu sous pression depuis le départ de mon père, cela faisait maintenant presque deux mois que celui-ci avait quitté le domicile familiale. Et le pire dans tout cela, c’est qu’il n’allait plus jamais revenir. Cette abandon de sa part m’avait profondément déçu, c’était tout simplement l’une des seules personnes que je respectai totalement dans ce village. Rien n’allait en s’arrangeant en voyant que ma mère ne faisait plus du tout attention à moi. Cette petite vengeance que j’infligeais à mes deux coéquipiers n’était peut-être pas très juste, mais cela était plutôt apaisant. Je ne leur en voulais pas personnellement, d’ailleurs, je n’avais pas vraiment à me plaindre d’eux, ils étaient plutôt efficaces et très peu fatiguant dans leurs genres. Je n’allais pas changer mon caractère pour des gens que je ne voyais que pendant les entrainements et les missions. Je les voyais tous à l’académie, toutes ses équipes soudés, riant tous jusqu’au bout de leurs grandes oreilles. Ridicule.

Après une demi-heure de route, rien d’intéressant ne venait pointer le bout de son nez. Il restait encore une autre demi-heure de marche avant d’arriver dans la petite ville. Je me tenais derrière mes deux compagnons de route et les marchands étaient, eux, tout devant. Je marchai la tête baissé au sol, l’ennuie me donnait l’impression d’être lourde et fatiguer et ma vue se brouilla légèrement durant quelques secondes, tout cela avant que je ne me rende compte que je ne pouvais plus du tout bouger. Quelques légers cris retentirent dans mes oreilles et lorsque je levais la tête, les marchands étaient déjà tous mort. Les deux autres genin étaient à terre totalement assommé lorsque l’ombre d’un homme allait faire de même avec moi, celui-ci se stoppa soudainement laissant entendre quelques murmures étonnés. Mes yeux s’écarquillèrent de surprise avant que je ne comprenne la situation dans son intégralité. Cette voix, je pouvais la reconnaitre entre mille, surtout que je la connaissais plutôt bien. La nué d’insecte disparut et l’homme en face de moi repris sa route en me laissant là, dans le doute, mais quel doute ? Moi, je n’en avais pas.

Kitoku…

D’un pas à l’autre ou plutôt d’un bond, j’attrapai le col du jeune homme de manière brutale, l’emmenant à ma hauteur. Cette tête de lard, ce visage trop mystérieux pour faire peur, cette lamentable chevelure noir et ces horribles yeux rouge, qu’est ce que je détestais cette couleur. Qu’est ce que son regard m’horripilais !

-Je ne sais pas si je dois te remercier pour ce que tu viens de faire ou te mettre une branler.

Je le fixai de mes grands yeux verts durant un court instant avant de le relâcher brusquement. Il venait de quitter le village, je le sais, je le sentais, il était bizarre. Son attitude, bien que super chiante de base semblait différente à cet instant. J’étais perplexe de savoir la suite, surtout que je ne pouvais pas prévoir son comportement envers moi, mais s’il m’avait laissé là, encore consciente, c’est que je ne devais pas craindre autant que je pouvais le penser. Je continuai de le regarder avec insistance et soudainement j’attrapai ses joues avec ma main droite.

-Kitoku, tu semble avoir changé…

-Tes camarades étaient quand même bien faible ...

Tiens, eux… ! Je les oubliais presque. Les deux genins étaient tout deux allongés au sol. Le coup reçu part Kitoku avait l’air d’avoir été très efficace pour les faire taire. Dire que j’aurais pu aussi y passer ne me soulageais pas vraiment. Mais cette preuve de faiblesse qu’il me laissa en m’épargnant me fit sourire soudainement mais celui-ci disparut aussi tôt. Mais peut-être n’avait-il pas tort au final. Il se riait de moi comme on rirait d’un petit être à l’allure décharné, drôle malgré lui. Mais je ne me considérais pas comme ce petit être faible, mon grade était peut-être la seule chose qui me faisait défaut quand je me retrouvais en face d’un homme comme Kitoku. Mais j’étais quelqu’un de relativement indépendant et peu hésitant. Je ne me trouvais qu’au début de mon ascension. J’avais pris conscience de beaucoup de chose depuis les récents événements survenues au sein de ma famille. Et revoir Kitoku, dans un autre univers, loin de la routine « shinobienne » de Konoha me rendait compte de mon propre train-train quotidien en tant que jeune kunoichi.

Il se détourna de moi alors avant de continuer sa marche insolente. Mais cela n’allait pas l’empêcher de parler inutilement, comme d’habitude. Les belles trompettes et les violons n’allaient pas fonctionner tout le temps avec moi. Lorsqu’il se justifia sur la manière et le pourquoi du comment. Cela ne m’intéressais pas vraiment de savoir pourquoi il avait quitté le village, ce qui m’intéressais surtout, c’était de savoir ce qu’il allait faire dorénavant. Un déserteur ? Ce n’était pas rien et pour ma pomme, ça pourrait rapporter gros. Je n’allais pas hésiter à trahir sa confiance si j’en avais un jour l’occasion. A moins qu’il ait des raisons, de très bonnes raisons pour que je ne fasse pas l’erreur de le retrouver un jour pour me le faire. Je n’étais pas quelqu’un d’absurde ou d’inconsciente, son niveau dépassait le mien à l’heure d’aujourd’hui. Mais je ne comptais pas m’arrêter là pour autant. Il continua sa marche et malgré moi, je le suivais avec des petits pas discret avant qu’il ne se retourne soudainement, j’eus le reflexe de reculer.


-D'ailleurs ça m'étonne de te voir dans ce genre de mission, d'habitude la princesse ne fait que des missions sur commande !

Mon regard, mon air semblait changer de manière radicale.

-Tu sais… Cela me fait vraiment mal au cœur ce que tu me dis là…Ce n’est pas parce que je suis la petite fille Haruno que je me permets de faire la difficile, ma mère me prends pour un monstre et père est partie, il ne reviendra pas…

Doucement je baissai le regard et la tête, le reste de ma chevelure cachait mon visage qui était devenue très sombre, je plaçai mes deux mains sur ma face. Laissant croire à quelques sanglots, je continuai mon discours émouvant et plein de remords.

-Même ma sœur me fuis, elle refuse de me parler, je n’ai plus personne à qui me raccrocher…Ces deux derniers mois ont été vraiment très difficile pour moi, je suis resté une dizaine de jour cloitré chez moi, j’étais perdue, tu sais…

Un dur moment de silence vint rendre l’ambiance toujours un peu plus pesante, et après quelques minutes de répits et quelques pleures un rire moqueur vint recouvrir les faux sanglots que j’avais prononcé. Je ne comprenais pas tout autant ses délires rêveurs et sa situation mais comment pouvait-il comprendre la mienne ? J’étais devenue cette jeune fille brutale et totalement dénué de sentiment car je n’avais pas eu le choix, car rien ne me laissait croire que je pouvais devenir une personne généreuse et pleine de cœur. Parce que cette fausse célébrité n’était qu’un prétexte de plus pour rabaisser Hibana, la descendante, la descendante de quoi au juste ? Je n’étais que l’ombre d’une sœur douée et une bouche en plus à nourrir pour la génitrice. Si je devais être affecté par tout ça, devenir une petite victime, alors autant être le monstre que je suis aujourd’hui. Je n’ai pas besoin d’être le bouc émissaire du village si en plus de ça ma propre mère ne voulait pas me reconnaitre.

-Dois-je me sentir flattée ? Non, sincèrement Kitoku, depuis le temps que tu me connais, tu devrais savoir que être Princesse ne s’applique pas à ma façon d’être. Mais dis-moi plutôt se que tu comptes faire maintenant ?
Je t’avoue que je n’ai pas envie d’essuyer l’échec de cette mission à moi seule.

L’indifférence qui gagnait mon regard lorsque je regardais les cadavres aurait pu être choquante pour n’importe qui. Mais la mort était bien trop banale pour être plainte.

-C'est avec cette attitude là que tu caches tes réelles émotions, enfin bref … Je n'ai pas réellement de but, je marche, je contemple les paysages. Si on me demande de tuer quelqu'un je le ferais à la seule condition que cette personne en vaille la peine. Plus j'avance et plus je progresse … Je suis juste curieux de voir mon talent à son apogée … enfin un truc dans le genre.

Je l’écoutais, il était toujours là, à faire le garçon mystérieux. Cela pouvait être débectant de le voir faire des va et vient tout en continuant de discuter mais le contraire serait bien moins amusant. C’était toujours la même chose avec lui, les mêmes discours. Avancer était, certes, important. Evoluer, c’était grandir. Et je pense que cela n’était pas le problème de mon interlocuteur. S’il était sur de lui, je n’avais aucune raison d’essayer de lui rendre le moral à zéro mais pourtant cette sorte d’affirmation à la liberté était quelque chose qui me faisait doucement rire. La confiance que je lui apportais malgré tout me donnait l’envie de lui faire comprendre l’incompréhensible.


-Arrêtons de jouer à ce petit jeu là Kitoku. Tu sais très bien se que je pense de Konoha et de ces habitants. La déchéance, les vices. Aucuns d’eux n’en vaut vraiment la peine. Tu es partie pour quoi au final ? Tu te dis libre ? Est-ce que tu te sens vraiment libre ? Entièrement affranchi de tes faits et gestes ? Quittant un village qui semble avoir perdu sa grandeur d’autrefois, avec des traitres dans ton genre, tu te fourvoies, tu ne seras jamais aussi libre que tu le prétends. Et je peux te l’assurer. La liberté à un prix, et ce prix n’est pas à la portée du premier venu.

Cette présentation de l’avenir, cette représentation de la réalité n’était peut-être pas là l’aspiration du jeune déserteur. Peut-être était-ce mieux pour lui ainsi. Mais même si je ne pouvais supporter l’hypocrisie ambiante, je ne pouvais me résigner à quitter mon village. J’étais encore rattaché à ma mère et ma sœur, pour le meilleur comme pour le pire. Et le pire serait certainement à venir. Je n’avais encore rien décidé face à cela, j’espérais que quelque chose m’ouvre la voie, n’importe quoi, un indice pour me donner un but précis. Et rester au village me permettrait de faire tout se que j’avais à faire tout en étant protégé. Partir avec le nom que je portais serait l’une des plus grosses erreurs de ma vie et je ne voudrais pas salir le nom de ma famille. Je n’étais pas la seule à avoir fourni des efforts. Même si je ne pouvais supporter les mimiques niaises de l’ainée et de la génitrice, je ne pouvais pas me permettre de leurs jeter la honte au visage. Je ne quitterais jamais mon village, c’était déjà une chose de sûre pour l’avenir, ce que j’allais y faire était tout à fait différent.

Il me fixait autant que je pouvais le fixer. Cette situation était plutôt cocasse. Aucun de nous deux ne semblait vouloir voir la vérité en face. Nous nous crachions dessus comme des chiens et pourtant nous savions à quoi nous en tenir. Je m’approchai de lui une dernière fois lui remontant le col de sa veste. Je ne cherchais pas à l’intimider mais je voulais lui faire comprendre qu’il avait quelque chose en commun avec moi, une chose que rien ni personne ne pourrait effacer.

-Que tu le veuilles ou non, nous sommes liés. Tu ne pourras jamais te détourner de moi comme je ne peux me détourner de toi. Ne t’inquiète pas mon Kito, tu pourras toujours m’appeler si tu as un souci ahah - tout en ironisant la chose.
-Non sérieusement. Tu me vois vraiment quitter le village ? Je pensais que depuis le temps, tout cela était clair dans ta tête.

Je reculai de quelques pas en voyant un peu plus loin les corps de mes deux camarades reprendre petit à petit conscience. Ils allaient se réveiller et il ne valait mieux pas qu’ils me voient discuter avec un récent déserteur.

Les liens qui nous unissais ne nous permettais pas d’être réellement proche l’un envers l’autre, mais s’il avait réussi à garder le secret tout autant que moi, je ne pouvais que lui faire confiance au final. Une sorte de secret scellé. C’est après ce maudit incident que ma vision du monde shinobi en changea et c’était certainement aussi le cas pour le jeune Kitoku. J’étais prête à repartir vers mon équipe et lui aussi était prêt maintenant. Il allait quitter définitivement le village et les terres du pays du feu. Je devais avouer que sa tête allait peut-être me paraitre un peu lointaine. C’était peut-être aussi la dernière fois que je le voyais. Mais je connaissais bien le hasard et il n’allait pas me laisser tomber comme cela. Avant son départ il m’avertit de la présence d’une nouvelle organisation. Oui, j’avais entendu quelques échos à ce propos, rien de réjouissant en tout cas. De toute manière mon statut de genin ne me permettait pas de faire les 400 coups en dehors du village - ou en tout cas trop loin -.

Je ne luis répondis rien mais je n’en pensais pas moins. Me détournant de lui définitivement, je repris la marche vers mes coéquipiers. L’un d’eux était presque réveillé et le choque semblait l’avoir étourdi. Je m’abaissai à son niveau et lui attrapa les épaules tout en le secouant.

-C’est fini, réveillez-vous. La mission est un échec.

Celui que je faisais trembler vivement ouvrit les yeux et je mis une claque à l’autre encore endormi.

-On va ramener les corps ou plutôt ce qu’il en reste, les familles méritent un enterrement digne.
-Non, c’est trop horrible, je veux ne pas transporter de corps…
-Ferme là ! On vient d’échouer à une mission de routine, je ne rentrerais pas la queue entre les jambes.

Je pris alors un kunais de ma sacoche et écorcha le bras d’un de mes coéquipier et le poussa au sol.

-Mais qu’est-ce que tu fou ?! Tu es folle !
-Voilà la version de l’histoire…Des déserteurs de haut rang nous ont prit en filature et ont posés des pièges un peu partout dans la zone. Aucune chance pour les marchands, nous avons combattu vaillamment. Fin de l’histoire.
-Quoi ?! Mais que c’est-il passé ?
-Je n’en sais pas plus que vous, je viens de reprendre connaissance.
-Pourquoi mentir ?!
-Car c’est bon pour notre grade.
-Il y avait des centaines d’insectes avant que quelqu’un ne viennes nous assommer, je me souvi …
-DES INSECTES ? Tu délires ! Le coup t’as fait perdre l’esprit mon pauvre Kenji. On rentre maintenant.

Nous étions repartie, la zone était totalement propre, plus rien ne pouvait penser qu’un malheur était arrivé ce jour là. Cela aurait pu paraitre suspect une simple mission comme celle-ci qui tourne au vinaigre. Le sujet Kitoku était bien clos mais les doutes de mes camarades allaient être gênants. Que pouvais-je faire face à cela ? Je devais juste attendre et faire attention…

Topic clos.