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La foule… La foule grouillait autour de lui alors qu’il avançait lentement. Elle était en effervescence, comme une fourmilière que l’on venait de remuer avec violence, chaque membre la composant étant pris d’une vigueur insoupçonnée et déversant son énergie dans cette cohue ininterrompue qui provoquait un vacarme assourdissant dans les rues du village. Partout, des ragots colportés par des hommes peu scrupuleux répandaient un climat inamical mais survolté, les accusations fusaient à tous les coins de rue et les gardes de la cité de Suna ne savaient plus où donner de la tête. Ici, certains jubilaient à l’annonce de la nouvelle qui faisait trembler tout le village alors que plus loin d’autres se morfondaient sur leur sort et complotaient dans l’ombre. Où que l’on allait, on ne pouvait échapper au principal sujet d’actualité de ces derniers jours : le Kage était mort et un nouveau venait de prendre sa place.

Cela faisait un peu moins de deux semaines que toute cette histoire était arrivée et il n’y avait sur les lèvres des Sunajins plus que les mots ‘’conspiration’’, ‘’pouvoir’’ et ‘’changement’’. C’était un évènement majeur dans la vie des habitants qui analysaient toute cette histoire d’un œil intéressé, cherchant à en devenir acteur par n’importe quel moyen, se donnant parfois en spectacle et s’autoproclamant pièce majeure de ce soulèvement historique. Au milieu de tous ces hommes, seul Tetsuo ne semblait réellement passionné par l’actualité. Il avait accusé la nouvelle avec une certaine joie, ravi de savoir son ancien chef cynique mort mais ne portait qu’une oreille distraite à la suite de cette fable ninja qui avait à ses yeux bien peu d’importance. Tout le monde semblait ne vivre plus que pour ça et le jeune homme devait bien avouer que la logique de cet engouement des habitants pour le changement de chef de village lui échappait : lui qui avait toujours vécu dans le désert n’avait pas connu la notion de renversement politique et il trouvait même outrant de vouloir tenter de détrôner un pouvoir en place. Certes il avait compris l’importance du Kage depuis qu’il avait rejoint Suna mais le voyait seulement comme une figure emblématique du village, s’occupant vaguement du bien-être de la cité et prenant des décisions qui n’influençaient le peuple que lorsqu’il s’agissait de mouvements militaires. A ses yeux, les acteurs réels d’un village ninja étaient l’ensemble des ninjas eux-mêmes qui, une fois réunis représentaient une force implacable et majestueuse, protégeant les habitants d’un pays pour une noble cause. Le pouvoir n’était pas l’affaire d’un seul homme mais bel et bien d’une institution… Et l’institution n’avait pas changée, même après le changement de kage.

Chassant toutes les théories politiques de sa tête et s’éloignant de la foule qui l’oppressait en prenant la direction des portes de la ville, le jeune Shizuka s’étira lentement en essayant de se reconcentrer sur sa mission du jour : le shinobi avait été en effet chargé de retrouver un informateur du village quelque part dans le désert afin de récupérer des informations importante sur le village caché de la Brume, Kiri. L’homme c’était réfugié près d’un campement nomade établi à l’est du village afin de se reposer et l’endroit était donc devenu le lieu de rendez-vous entre les deux ninjas. Au début, Tetsuo avait hésité avant d’accepter la mission, redoutant que le campement en question soit celui de son clan. Il était encore trop tôt pour le jeune homme et il ne se sentait pas encore prêt à rejoindre les siens. Mais lorsqu’on lui annonça qu’il fallait qu’il apporte également un gâteau à la grand-mère du Kazekage, il comprit bien vite qu’il ne s’agissait que d’un groupe de marchands itinérants et non des Fils du Soleil, ces derniers n’entretenant normalement aucun contact avec la civilisation, même les membres de leur famille ayant décidé de rejoindre la ville. Il avait donc accepté cette double quête, bien content de quitter les murs du village pour s’aérer l’esprit ailleurs, renouant une fois n’est pas coutume avec le désert…

Ce dernier était toujours le même au fil des années et maintenant qu’il avait élu domicile en ville, Tetsuo trouvait l’étendue de sable bien moins impressionnante et majestueuse qu’auparavant. Elle était comme les peluches que les petits enfants ont à la naissance : au début indispensables, primordiales et merveilleuses, elles devenaient au fil des années quelque chose que l’on délaisse mais que l’on aime parfois revoir pour se rassurer, finissant par n’être qu’un souvenir lointain et auquel on ne porte plus vraiment d’intérêt mais qui, si on s’y intéresse d’un peu plus près, nous rappelle un passé réconfortant et nous révèle une beauté ancienne et qui illumine de nouveau notre cœur d’espace d’un instant. C’était comme ça qu’il voyait la mer de sable aujourd’hui, comme une jeune femme dont la beauté subsiste mais ne provoque plus la surprise et m’émerveillement, juste un sourire triste alors que l’on porte un regard sur le passé, à un moment où elle nous apparaissait somptueuse et envoutante. Inspirant un grand coup avant de s’avancer dans les plaines désertiques entourant Suna, le ninja ne pouvait que se remémorer ce qu’il avait vécu ici. Pendant plusieurs heures, il resta totalement silencieux et avança machinalement vers sa destination, se revoyant marcher plus ou moins au même endroit lorsqu’il était plus jeune, effectuant de nombreuses missions car il était devenu expert de cette contrée dangereuse. Il ne compta pas le temps qu’il passa à analyser son passé, mais lorsqu’il finit de passer en revue ses souvenirs, le soleil commençait à disparaître derrière la montagne de dunes qui se dessinait à l’horizon. Décidant de poser ses affaires pour établir son campement, le jeune homme laissa passer la nuit, fatigué.

Le lendemain, la route lui parut bien plus longue et monotone et il aurait pu mourir d’ennui si au sommet d’une dune il n’avait pas trouvé un oiseau blessé. C’était un faucon, un magnifique rapace aux serres acérées et qui avait atterri au cœur du désert on ne savait comment, son aile blessée. Il tentait désespérément de s’envoler, son plumage marron remuant sans grand résultat. Lorsqu’il vit l’homme s’approcher, il ne sembla pas avoir peur, le fixant de ses yeux noirs comme pour lire en son âme une quelconque animosité. En silence, Tetsuo s’approcha de lui et le prit délicatement, sortant de son manteau un nécessaire de soin. Il s’occupa de l’aile de la pauvre bête et lui proposa son épaule en guise de perchoir le temps qu’elle guérisse, chose qu’elle accepta sans bouger, restant alors immobile sur son épaule alors que le ninja reprenait le voyage. Par la suite et durant les jours qui suivirent, l’oiseau de proie ne quitta pas le jeune homme et n’essaya même pas de s’envoler, comme liée à ce dernier jusqu’à ce qu’il lui autorise de s’en aller, ce qu’il ne fit pas. Il s’occupa de l’oiseau avec tendresse, ayant toujours aimé les animaux majestueux comme lui. Compagnon de route assez inhabituel mais dont il appréciait beaucoup la compagnie, il finit par lui donner un nom : Altaïr…

A l’aube du troisième jour, ils arrivèrent au campement nomade. Il se dressait fièrement au milieu des dunes, formé de nombreuses caravanes et de tentes de fortunes. Cela rappela fortement au jeune homme le clan où il était né, à ceci près que dans son enfance, les protecteurs du groupe camouflaient le camp et ne le laissaient pas à la vue de tout le monde comme les marchands auxquels il avait affaire aujourd’hui. Ils devaient être un peu plus d’une centaine, ce qui faisait beaucoup pour un groupe de nomades et Tetsuo ne manqua pas de faire une grimace de dégoût en voyant deux marchands joyeux s’approcher de lui, trouvant consternant que les nomades aillent à la rencontre des visiteurs. C’était quelque chose de banal pour beaucoup, mais pour un homme ayant vécu parmi un groupe qui fuyait les autres, cela était le signe de ‘’l’impureté’’ de ces voyageurs-ci. Il ne fit donc guère attention à leur accueil et s’enfonça dans le camp en silence, Altaïr toujours sur son épaule. Il demanda à un homme si un autre voyageur avait fait halte ici et appris que ce dernier était parti faire un tour à l’oasis non loin et qu’il reviendrait en début de soirée. Par la suite, il se renseigna sur l’endroit où se trouvait la grand-mère du Kazekage et il fut bien vite amené devant elle, cette dernière siégeant au centre du campement dans une caravane pour le moins ancienne. Elle était là, assise sur un tabouret en train de regarder les autres travailler, l’air sévère et les rides marquant son visage et trahissant son âge avancé. Lorsqu’elle vit le ninja s’avancer vers elle, elle haussa un sourcil en guise d’interrogation et une fois que Tetsuo lui fit part de la raison de sa venue, un sourire se dessina sur ses lèvres :

- Oh… Alors finalement, ce sale garnement de Shin a pensé à moi !

Les paroles de la grand-mère marquèrent l’esprit du jeune homme : elle avait parlé d’un certain Shin, mais le peu dont se souvenait le ninja était que le nouveau Kage en place ne s’appelait pas comme ça. Comme frappé par un éclair de génie, le shinobi demanda à la vieille femme si elle ne s’était pas trompée afin de dissiper son doute, mais l’entêtement cette dernière à parler d’un Shin confirma les soupçons du chuunin. En voyant la sympathie de la personne qui venait la visiter, la grand-mère du Kazekage proposa à son hôte de boire le thé avec elle. Tetsuo accepta et en profita pour en apprendre plus sur le mystérieux petit fils de la dame qui lui raconta pendant des heures l’histoire de cet homme dont il n’avait jusqu’à présent jamais entendu parler. Bien vite, il apprit de nombreuses choses sur ce dernier et essaya d’emmagasiner le plus d’informations possible, se doutant que tout cela aurait de l’importance dans un avenir plus ou moins proche. La vieille dame sortit alors une photographie de sa poche, cette dernière représentant un jeune homme ayant à peu près l’âge de Tetsuo, un dromadaire à côté de lui et le visage partiellement couvert de bouse :

- … Et là, c’est Shin il y a quelques années alors qu’il venait nous rendre visite ! Il avait voulu aider sa mère à l’écurie et avait eu un petit accident avec nos animaux… Je m’en souviens comme si c’était hier !

Prenant la photo dans ses mains, comme pour mieux la voir, le jeune Shizuka sourit, conscient de tenir là le portrait du véritable Kazekage. Au fil de la discussion, il avait formulé de nombreuses hypothèses au sujet de la situation à Suna et en était venu au verdict que le petit-fils de la dame lui faisant face était le véritable responsable de la chute de l’ancien chef du village et qu’il restait caché dans l’ombre, tirant les ficelles jusqu’à faire l’erreur de confier cette mission au chuunin. Il n’avait aucune preuve formelle mais sentait au plus profond de lui qu’il avait raison et que le visage recouvert de déjections de dromadaires qu’il fixait en ce moment était celui de l’actuel leader du village. Demandant à garder la photo à la vieille dame qui accepta avec plaisir, il s’éloigna de sa demeure mobile pour retrouver l’informateur, ce dernier étant devenu l’objectif secondaire de cette mission pour le ninja. Il le rencontra à la sortie du campement, ce dernier était vêtu d’un long voile qui le couvrait de la tête au pied, comme s’il avait cherché à passer inaperçu, ce qui était bien évidemment raté. Il s’empressa de prévenir Tetsuo des agissements étranges des habitants de Kiri, ces derniers préparant quelque chose dans l’ombre sans que l’espion ne puisse dire ce que c’était. Alors qu’ils se quittaient, l’illusionniste s’éloigna dans le désert alors que la nuit tombait, caressant le bec d’Altaïr avec un sourire aux lèvres. A l’instant où il laissa le campement nomade, il sut qu’il était à présent en possession d’informations importantes… Et pas seulement celles qu’il était venu chercher.