Prévenir la population, ne ? Toujours aux plus faibles qu'on confiait les tâches ingrates, alors que la décision n'avait fait qu'effleurer les esprits des hautes instances. Mais après tout, cela restait une obligation pour la jeune kunoichi. Ces personnes sur lesquelles elle crachait sans relâche étaient celles-là même qui la payaient, aussi c'était un plaisir délectable de lutter contre sa propre personnalité dans son propre intérêt... Mais il fallait bien faire des concessions dans l'attente de jours meilleurs, surtout quand on ne disposait que de ressources limitées... Qu'importe, elle allait faire l'oiseau de malheur porteur de mauvaises nouvelles, sans grande conviction. Car c'était ce à quoi elle était engagée, même si cela ne lui plaisait guère.

Ainsi, dévalant les marches de son immeuble quatre à quatre, elle s'extirpa de l'imposante bâtisse sous un timide soleil qui laissait un peu de répit à quiconque voulait sortir. C'était dans ce genre de moments que tous sortaient profiter de la fraîcheur du soir, c'était donc dans ce genre de moments qu'elle aurait le plus d'impact dans ses annonces, c'est là qu'elle agirait pour attiser la curiosité de centaines d'oreilles. La solidarité, les médisances et les radotages feraient le reste, elle en était persuadée. Cependant, il lui fallait attirer l'attention de suffisamment de personnes, et à voir le capharnaüm qui régnait dans les rues de Suna, rien n'était aussi simple. Malgré tout, à situation désespérée, réaction extravagante et désinvolte ?

C'est dans cette optique qu'elle partit, prête à faire preuve de la plus grande hautaineté si il le fallait. Tant qu'elle réussissait à délivrer son message et à satisfaire les désirs insatiables de vérité de ses protégés, alors le reste lui était égal. Les civils allaient se sentir offusquer dans leur grande sécurité, les bonnes femmes verraient cela d'un œil on ne peut plus mauvais, les ninjas prieraient pour leur retour. Tels seraient les états de chacun lorsqu'elle délivrera le présage de mort que chacun redoutait : « elle » arrivait. Plus redoutable que jamais, plus meurtrière que jamais. Apportant son lot de souffrances, de désolation et de désarroi, d'effroi et de sanguinolences exacerbées, la guerre était aux portes du village caché des sables. Et Suna allait une fois de plus se lever pour affronter son ennemi, dans le fracas dantesque des armes et les viscères éparpillées au quatre coins du continent. Un pincement au cœur vint éprendre la jeune femme alors qu'elle se hissait tant bien que mal sur un muret au carrefour d'une rue bondée. Peut être allait-elle aussi assister à ce triste spectacle, pour finalement perdre la vie qu'elle chérissait tant...

Secouant la tête pour ne pas laisser son corps envahi par la peur de la mort, elle faillit tomber de son perchoir, sous le regard amusé d'une paire de badauds auxquels elle adressa un regard noir avant qu'ils ne continuent leur chemin. Comme à son habitude, Amane portait ce duveteux bonnet de soie qui la préservait de maux plus importants que le froid, aussi personne ne se douta de qui elle pouvait bien être. A cette pensée elle eut un fin sourire soulagé, peu avant qu'elle ne se reprenne, l'air plus déterminée que jamais. Toussotant afin de ne pas trop s'abîmer la voix dans l'exercice de ses fonctions, elle pointa de son index le ciel, faisant jaillir dans un fracas incommensurable une multitude de boules de lumière qui éclatèrent dans le ciel comme tout autant de feux d'artifices. Alors elle eut l'attention de son public.



Le brouhaha se fit soudainement plus intense, alors que chacun tentait de lui adresser la parole. Inquiétudes, peurs, chaque sentiments morbides envahirent les regards de quelques uns des quidams face à elle, alors qu'elle essayait de calmer la foule. Le fait d'avoir à annoncer la mort de centaines de personnes la mettait profondément mal à l'aise, mais elle ne laissa rien transparaître. Alors, elle demanda d'une voix légèrement fébrile si elle pouvait satisfaire quelques âmes curieuses. Une multitude de voix s'élevèrent, pour qu'une fois encore le silence revienne dans la détonation des sphères dans le ciel. Prenant un air doucement orgueilleux trahissant son énervement, elle somma aux autres de ne parler qu'un seul à la fois, sans quoi elle serait incapable de leur apporter des réponses à leurs questions.

Le calme revenu, elle tâcha alors d'assouvir la soif d'inquiétude et de savoir de ses compatriotes. Certains s'inquiétaient pour leur famille, d'autres de leur prochain adversaire. Tâchant de répondre du mieux qu'elle pouvait, elle chercha à chasser les images morbides qui lui venaient en tête, adressant une mine désabusée à quiconque venait s'enquérir de ses maigres connaissances. Malgré tout, elle fit son travail, et le bouche à oreille fit le reste. Quelques heures plus tard, la foule s'était dispersée, laissant la jeune fille seule, ruisselante de sueur et étonnamment fatiguée. D'un pas las et saccadé, elle se glissa à l'intérieur de son lit, avant de fermer les yeux sur le spectre de la guerre qui rôdait.