Mugon’ observait la forêt entourant le village. Quelquefois, elle pouvait apercevoir un couple d’oiseau batifolant dans les arbres, ou un animal à la recherche de nourriture. Il fallait scruter au bon endroit et au bon moment.

Perchée sur les remparts, elle avait une vue imprenable, et parvenait même à distinguer une infime partie du désert annonçant l’emplacement du village de Suna. Malheureusement pour elle, son grade ne lui donnait pas l’autorisation de quitter Konoha pour se promener dans les bois, trop inexpérimentée pour s’y aventurer. Parfois, elle rêvait de sortir et de courir, sans surveillance. Elle pourrait alors s’adonner à toutes sortes d’occupations interdites dans le village.

Mugon’ se releva, s’apprêtant à changer d’angle de vue, quand soudain elle se remémora les paroles du ninja venu la déranger quelques heures plus tôt. Celui-ci lui avait appris qu’une mission l’attendait, et qu’elle devrait bientôt aller la chercher. Elle soupira ; Serait-ce encore une mission pitoyable, ou, au contraire, intéressante et remplie d’action ? Il n’y avait qu’un seul moyen de le savoir : rejoindre le Hokage et recevoir la mission. C’est alors d’une allure nonchalante qu’elle entreprit de gagner la tour du Kage.

Le village était extrêmement calme, plutôt étrange. Durant le trajet, la Kunoichi ne put s’empêcher de remarquer que très peu de commerçants travaillaient aujourd’hui. Mugon’ mit tout ça de côté et accéléra le pas. Elle pénétra dans la fameuse tour et entra dans le bureau du Kage. A sa grande surprise, il n’y avait personne. Peut-être avait-il du s’absenter pour des raisons personnelles ? Ne souhaitant pas chercher de motif à cela, elle s’avança afin de prendre une des feuilles soigneusement posées sur le bureau. Il y en avait trois : une désignant une mission de rang D, une de rang C et la dernière, de rang B. Instinctivement, Mugon’ s’empara de la première. Les missions les moins compliquées étaient toujours données aux moins puissants –et cela était logique. Contrairement à la précédente requête reçue, celle si semblait satisfaire la Gennin. Elle allait devoir œuvrer pour le village en … s’occupant d’animaux. Quoi de plus fabuleux pour une ninja capable de communiquer avec ceux-ci ? C’est donc sur un petit nuage que Mugon’ quitta la salle pour rejoindre le temple des Inuzuka.

Selon les cours qu’elle avait pu avoir sur les clans vivants à Konoha et leurs spécialités, celui-ci cohabitait avec des chiens ; De redoutables armes lorsqu’ils atteignent l’âge, et donc la taille adulte. Dès leurs naissances, les membres de ce clan se voyaient attribuer un canin qui partageraient tout avec eux, des moments les plus sombres aux moments les plus joyeux. Mugon’ avait des étoiles dans les yeux rien qu’en pensant aux petits chiots. Elle se mit alors à courir, involontairement, pour y parvenir au temple le plus rapidement possible.

Arrivée sur les lieux, ce ne furent pas des salutations qui l’accueillirent, mais plutôt des grognements effrayants et des hurlements de peur. Cherchant la cause de tout ce remue-ménage, la Kunoichi tomba nez-à-nez avec un Inuzuka, tétanisé. Mugon’ s’agenouilla au sol, et, malgré sa timidité, l’interrogea à l’aide de son carnet. Le jeune homme mit du temps à reprendre ses esprits. Il se releva, puis bafouilla :

« Nous avons un énorme problème avec une chienne qui vient de mettre bas. Nous comptions sur ses petits afin d’entraîner nos novices tout frais sortis du temple. Malheureusement, elle ne nous laisse pas approcher et grogne à chaque fois que l’un de mes frères ou sœurs daignent poser la main sur elle. Et pourtant, nous sommes dans l’obligation de réceptionner ses chiots pour leur administrer un soin sans lequel ils risqueraient de mourir. Mais tu ne serais pas le ninja envoyé pour nous aider ? » Mugon’ hocha la tête, en signe de réponse positive. « Génial ! Alors suis-moi ! »

La conversation aussitôt finie, les deux Gennin rejoignirent le temple en quelques secondes. La Kunoichi avait remarqué des traces de pattes sur le sol. La chienne avait probablement suivi le ninja jusqu’ici. Cela expliquerait pourquoi il se serait retrouvé mort de peur. Mugon’ commença à s’inquiéter : et si la chienne était aussi agressive qu’il le laissait prétendre ?
Au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient, les couinements et les grognements s’amplifiaient. Et en effet, la chienne en question n’avait rien d’affectueuse. Après tout, c’était compréhensible : l’on veut lui ôter ses petits. L’instinct maternel est plus fort que tout. Pour l’amadouer, il faudra être patient.

Lorsque Mugon’ fit son apparition parmi ces hommes aux marques rouges sur les joues, ils cessèrent toutes activités. Ils se regardèrent, les uns après les autres, puis rejoignirent la fille, qui ne comprenait visiblement pas la situation.

« Tiens, voilà du renfort, ça ne nous sera pas vraiment utile, ironisa l’un des leurs.

-Silence, ordonna un second, plus grand et imposant que les autres. Si le Kage a jugé bon de nous envoyer quelqu’un, c’est que nous avons besoin d’aide.

-Mais si nous, les Inuzuka, n’arrivons pas à calmer la colère de cette chienne, comment le pourra-t-elle ? » rétorqua-t-il.

Un grand silence s’installa. Il sembla troubler la seule Kietsu présente ici. Elle ne savait pas comment prendre les remarques des membres du clan Inuzuka. Tantôt l’un d’entre eux l’aidait, tantôt le second essayait plus de la chasser. Elle l’ignora, préférant se concentrer sur celui-ci qui semblait lui vouloir du bien. Elle commença à discuter avec lui, via son carnet. Il lui apprit que les chiots allaient sans l’ombre d’une doute mourir si des soins ne leurs étaient pas prodigués. Ceux-ci étaient nés prématurément et risquaient de périr à tout moment. Mugon’ sentit sa gorge se serrer à la simple pensée que ces boules de poils puissent quitter ce monde sans avoir vécu. Aussitôt, elle s’approcha de la petite famille. Elle avançait lentement, afin de ne pas effrayer davantage la mère. Désormais, elle n’était plus qu’à quelques mètres d’elle. Peut-être Mugon’ réussirait-elle à prendre les chiots. Soudain, la chienne bondit avec toute sa puissance en prenant appui sur ses pattes arrières. Elle allait mordre violemment la Kunoichi et la blesserait gravement. S’en était fini pour elle. Du moins, juste avant qu’un Inuzuka ne permute près d’elle et l’attrape afin de l’emmener plus loin dans un endroit à l’abri du danger.

« Tu es folle ?! hurla le ninja. Tu as failli te faire tuer ! C’est une de nos meilleures guerrières ! Tu ne pensais tout de même pas à réussir aussi facilement ?! »

Mugon’ baissa la tête, confuse. Elle avait voulu faire bonne impression, et était finalement passée pour une idiote. Elle s’excusa poliment er regagna le lieu où se trouvait la chienne. Elle allait devoir user de son don si elle voulait mener à bien cette mission.

Elle s’assit alors au sol, et fixa l’animal d’un regard insistant. La jeune femme entendit derrière elle des murmures désapprobateurs. Elle expira toute l’air de ses poumons et en inspira autant que possible. Elle ferma les yeux puis songea en son for intérieur : « Tu dois nous laisser approcher tes petits. Je t’en conjure ; Ils sont malades et sans soins, ils périront. » Cela semblait quelque peu déplacé de s’adresser à un animal. Mais quelquefois, elle y parvenait. Le seul problème dans cet extraordinaire don était le suivant : Mugon’ pouvait parler aux bêtes, mais pas comprendre leurs paroles. Elle devrait se contenter des réactions de la chienne. Elle rouvrit les paupières et se retrouva face à une mâchoire ornée de dents acérées. Elle déglutit, mais garda son sang-froid. L’animal lui aboya au visage avec une agressivité hors du commun. La Kunoichi ne broncha pas pour autant et reprit : « Tu ne parviendras à rien ; Tu veux protéger tes petits, nous le voulons également. Alors laisse moi approcher, je ne leur ferai pas de mal. » Mugon’ sentit la bête s’apaiser. Elle montrait toujours les crocs, mais semblait avoir pris confiance. La Gennin se releva avec lenteur afin de ne pas brusquer l’animal, puis avança doucement. La mère des chiots, elle, reculait au fur et à mesure que la jeune femme avançait. Puis, lorsqu’elle atteignit les chiots, elle se baissa et posa sa main sur l’un d’eux. Un faible couinement retentit ; Ils étaient en vie, mais terriblement affaibli. L’un des Inuzuka, pensant la partie gagnée, s’avança. *Il est bien téméraire, celui-là* se dit Mugon’. Et elle avait raison, car aussitôt, la chienne quitta la Kunoichi pour bondir sur l’homme. Cloué au sol, il hurlait de terreur. Elle grogna furieusement, puis détourna la tête pour autoriser la ninja médecin à prendre ses petits. Ils étaient terriblement petits. L’on sentait leurs côtés. Elle réprima un frisson de dégoût avant de rejoindre les membres du clan. Ceux-ci, ébahi par une telle prouesse, la fixaient, la bouche ouverte. Escortée par plusieurs ninjas, Mugon’ gagna la bâtisse réservée aux soins animaliers et y déposa les chiots. A peine eut-elle quitté la salle que les portes claquèrent derrière elle. Elle avait réussi la mission. Elle n’en revenait toujours pas.

La chienne, quant à elle, ne semblait pas aussi optimiste. Elle était effrayée … Mugon’ s’approcha d’elle et lui caressa le crâne, avant de rejoindre son domicile, le cœur léger.