[Mission D] Faire du Baby-Shopping.

Mugon’ ouvrit les yeux. Elle avait passé une nuit tourmentée, parsemée de cauchemars tous aussi effrayants les uns que les autres. Heureusement, ce ne fut pas des cris perçants qui accompagnèrent son réveil, mais un doux chant d’oiseau. Elle repoussa lentement la couette, puis posa les pieds à terre. Après tout, elle aurait apprécié pouvoir crier, si seulement le Créateur lui en avait donné le don. La jeune Kunoichi poussa un soupir, puis, ignorant ces noires pensées, rejoignit le restant de sa famille pour partager le premier repas de la journée.

La veille au soir, un message lui était parvenu : une mission l’attendait à la tour du Hokage. Sa première mission en tant que Gennin. Elle savait bien que celle-ci ne serait pas exaltante, plutôt ennuyante voire même désespérante. Mais telle était la destinée d’un apprenti ninja, remplir de misérables missions.

Mugon’ quitta son domicile le cœur léger, espérant que cette fameuse mission lui rendrait le sourire. Elle prit le soin d’emporter son matériel de combat. Un ninja averti en vaut deux. Elle se dirigea d’un pas nonchalant en direction de la tour du Maître du village des Feuilles. Arrivée au pied de cette dernière, un ninja lui intima l’ordre de monter silencieusement, afin de ne pas déranger les éventuels travailleurs. La fillette toqua respectueusement à la porte du Kage avant qu’une voix rauque ne lui permette d’entrer.

Après ce petit entretien assez intimidant, Mugon’ fut envahie par l’anxiété : elle était conviée à escorter la fille du Daimyo parmi les différents marchés de Konoha. Le seul problème étant le suivant : elle était muette, parler lui était impossible ! Que faire ? Mugon’ ne chercha pas de réponse et décida de résoudre cet imprévu au moment venu.

Le rendez-vous avait été fixé devant la boutique d’un célèbre marchand de textile, réputé pour la qualité de ses œuvres. Parvenue au bâtiment, la Kunoichi aperçut une jeune et séduisante femme, patientant avec calme, assise en tailleur sur un banc. Les premières impressions étaient bonnes. Peut-être que cette mission se déroulerait finalement sans encombres ? Mugon’ ne se fit pas prier et rejoignit sa cliente. Elle lui fit un signe de la main, en guise de salut, puis dégaina un petit carnet qui leur permettrait de communiquer convenablement. Mais la réaction de la jeune femme fut tellement surprenante que la muette en fut décontenancée.

« Parmi tous ces valeureux ninjas séduisants, aux corps d’athlètes, il a fallu que l’on me désigne une fillette muette ! Quelle barbe ! La journée débute bien » s’était-elle exclamée, ne tentant même pas de cacher sa réaction –des plus désagréables de plus.

Ne pouvant parler, Mugon’ se contenta de la fixer d’un air désapprobateur. *Quelle femme exécrable ! Elle aurait pu se contenter de grimacer au lieu de prononcer ces mots là !* songea la jeune Ninja. Vexée, Mugon’ mit fin à cette conversation en débutant la visite du marché. Elle décrit alors les différents magasins et boutiques à l’aide de son carnet. Sa cliente ne manquait pas d’entrer dans chacune des bâtisses comprenant un magasin de vêtements. Elle y passait généralement un bon quart d’heure, avant de ressortir bredouille en marmonnant quelques réflexions à l’égard du gérant. Mugon’ ne manquait pas de s’excuser à sa place, afin d’éviter toutes querelles inutiles.

Alors que les deux femmes marchaient au pas de course dans une allée, Kotori –car tel était le nom de la capricieuse femme- s’arrêta net. Elle fixait une vitrine derrière laquelle se trouvait une fabuleuse bague ornée de saphir et d’émeraude. Les pierres précieuses étaient placées de manière à former un dallage. Le résultat était tel que même Mugon’ en fut interpellée. Toute deux rejoignirent ce magnifique bijou. Elles n’étaient cependant pas les seules à le désirer. Un travail d’une telle minutie attirait un nombre gigantesque de femmes, d’hommes et même d’enfants ! Il faudrait se battre pour avoir cet objet si singulier !

Kotori, étant issue d’une famille aisée pouvait largement se l’acheter. Mais se frayer un chemin parmi toutes ces personnes excitées était une épreuve compliquée. Soudain, alors qu’elle avançait prudemment, elle fut éjectée au seul, accompagnée par une foule de ricanements tous aussi bêtes les uns que les autres. Mugon’ s’attela à relever sa cliente et a analysé son état. Elle n’avait rien de grave, juste une ou deux égratignures. Si jamais elle s’en plaindrait, la Kunoichi s’empresserait de la soigner. Il lui avait bien était formulé qu’elle devait répondre à toutes ses exigences. Mugon’ observa la foule, tentant de déceler le fautif. Kotori, elle, avait très bien vu qui l’avait poussé. Elle était d’ailleurs en train d’en découdre. La Gennin s’interposa entre les deux individus et essaya, en vain, de calmer les mœurs. Chose qu’elle ne parvint pas à faire. L’assaillante de Kotori lui tirait violemment les cheveux, tandis que la victime lui mordait le bras avec une force certaine. Mugon’ respira profondément et sépara en deux-temps trois mouvements les femmes. Bloquant sa cliente en lui attrapant le bras, elle lui intima l’ordre de la suivre d’un signe de tête bien compréhensible. Pour une fois, elle l’écouta sans broncher.

Elles rejoignirent un banc sur lequel elles se posèrent pour se remettre de cet évènement. Kotori pleurait à chaudes larmes.

« Je me suis fait humilier publiquement ! Tu te rends compte ? » murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour son escorte.

Elle se détournait du regard, n’acceptant désormais plus que Mugon’ la regarde. La jeune ninja ne savait plus quoi faire. Elle se leva brusquement, attrapa le porte-feuille de sa cliente et se précipita dans la boutique. Elle en ressortit quelques minutes plus tard, une sublime boîte à la main. Elle la tendit à Kotori et s’en empara aussitôt. Elle ne pleurait plus, et affichait un sourire étrange. Elle s’exclama alors :

« Ha-Ha ! Je t’ai eu, petite sotte ! Tu as cru que cela m’atteindrait à ce point là ? Maintenant que j’ai enfin mon bijou, continuons la visite, et ne t’avise pas de me contredire ! »

Elle avait prononcé la fin de sa phrase sur un ton hésitant. Mugon’ devait sans doute l’intimider. Amusée par cette pensée, la Kunoichi ignora Kotori et reprit la suite de la mission.
Tout au long de l’après-midi, la fille du Daimyo continua ses caprices, exigeant telle telle chose. L’objectif secondaire de la mission était clair : rester de marbre et répondre à tous ses caprices. Mugon’ se débrouillait plutôt bien.

Alors que sa mission touchait à sa fin, Kotori attrapa le bras de sa protectrice. Cette dernière s’attendait à des excuses, mais elle fit tout autre : elle désigna un étale du doigt.

« Je veux une confiserie, dit-elle d’un ton neutre. Et toute de suite ».

Mugon’ la regarda, puis soupira. Elle dégaina son carnet puis lui écrit quelques mots. Elle se dirigea vers le marchand ambulant et commanda quelques mets exquis, spécialités de Konoha. *Elle a passé l’âge de faire ça, tout de même. Elle doit être plus vieille que moi !* se dit Mugon’ en son for intérieur. Elle n’avait pas tort, après tout.

La Kunoichi rejoignit sa cliente, le paquet à la main. Celle-ci l’engloutit d’un coup avant de jeter le papier au sol, que Mugon’ s’empressa de ramasser et de jeter dans un endroit plus approprié : une poubelle. Malpolie, capricieuse, sale … La pire cliente, probablement.

La mission enfin terminée, la Gennin fit ses adieux, non sans joie, à Kotori. La seule chose qu’elle espérait désormais était de ne jamais revoir cette femme … C’était compréhensible, elle lui avait fait vivre une journée abominable. Elle lui avait même ordonné de déjeuner dans un restaurant situé à l’autre bout de la ville, sous-prétexte que : « les bars à ramens ne sont pas assez studieux pour elle ».

Mugon est désormais avertie …