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Le bruit d’une plume grattant le papier avec insistance résonnait dans la pièce mal éclairée, comme si quelqu’un s’acharnait à coucher sur une feuille les idées lugubres qui tourmentaient son esprit. Assis devant un bureau sur lequel une simple bougie semblait brillait de sa lueur blafarde, un homme gribouillait quelques mots et dessins incompréhensibles devant lui, s’adonnant à un exercice de réflexion étrange qu’il ponctuait de grognements insatisfaits, raturant son travail quasiment terminé pour le refaire comme s’il cherchait à atteindre la perfection. A ses pieds, la montagne de parchemins roulés en boule ne faisait que grandir, devenue assez imposante au fil de la soirée durant laquelle l’énergumène s’était donné corps et âme à des recherches approfondies et un travail titanesque. Les heures passaient et il ne quittait toujours pas son siège, accumulant à lui seul une masse de travail impressionnante pour une simple soirée. Pourtant et malgré tous les efforts qu’il faisait il semblait ne toujours pas aboutir à la conclusion de son boulot titanesque. Lâchant un léger soupir de lassitude avant de laisser tomber sa plume devant lui, il posa un coude sur le meuble en bois et se mit à se masser la tempe comme pour chasser une mauvaise migraine.

Voilà bientôt neuf heures que Tetsuo n’avait pas quitté son siège, trop absorbé par le boulot monstrueux dans lequel il s’était embarqué depuis un peu plus d’une semaine, depuis qu’il était allé dans ce camp nomade et qu’il avait rencontré la grand-mère du soi-disant Kazekage. Il avait fait la découverte étrange que le chef du village en fonction n’était pas le petit fils de la dame à qui il avait porté le gâteau et que par conséquent il y avait des chances pour que l’homme actuellement à la tête des troupes de Suna ne soit qu’un pantin dirigé par ce « Shin Datenshi » dont avait fait mention son informatrice du troisième âge. Bien évidemment, n’importe qui d’un peu naïf qui aurait été à sa place aurait conclu que la vieille dame était sénile ou que l’ordre de mission était erroné mais le jeune Shizuka avait vu en l’erreur du service administratif du Kage un indice sur tout ce qui s’était tramé ces derniers temps. Dès son retour, il avait fait appel à quelques contacts qu’il avait au village pour récupérer certains dossiers qui l’intéressaient au sujet de cette histoire, chose qui fut étrangement difficile aux vues de certaines réticences éprouvées par ses collègues pour lui donner ce qu’il voulait, comme s’ils violaient le règlement en donnant de simples informations concernant un ninja du village. Cela n’avait fait qu’amplifier le besoin de réponses que ressentait le shinobi qui n’avait du coup quasiment pas fermé l’œil de la nuit, obnubilé par cette histoire au point de faire quelques insomnies. Sur son visage, on pouvait voir quelques cernes qui avaient pris forme sous ses yeux et ses doigts étaient marqués par les heures qu’il avait passé à écrire, lui donnant presque des crampes tellement il avait fourni d’efforts littéraires ces derniers temps. Il souhaitait à tout prix en finir avec tout ça et pouvoir connaître la vérité, conscient qu’il mettait peut-être sa vie en danger en s’aventurant dans une investigation comme celle qu’il menait actuellement.

Tetsuo regardait la faible flamme de sa bougie danser devant lui, d’une beauté et d’une pureté naturelle qui fascinait le jeune homme dont le regard suivait pensivement les mouvements réguliers du feu se donnant en spectacle sous ses yeux. Il fixait la cire en train de fondre comme si cette dernière allait lui souffler quelques vérités qui pourraient l’aider dans son enquête, cherchant désespérément un indice qui pourrait l’aiguiller sur une piste plus intéressante que celles dont il disposait jusqu’à présent. Il était dans une impasse depuis trois jours à présent et ne trouvait l’ultime information qui lui permettrait de compléter l’immense puzzle qu’il avait créé avec tout ce qu’il avait pu glaner comme renseignement jusqu’à présent. Il avait trouvé certains liens, élaboré certains possibilités sur ce qui s’était passé, rassemblé dans le secret le plus total tout ce qui aurait pu lui servir à mieux comprendre les évènements passés et malgré tout il ne réussissait pas à construire le scénario parfait qui lui prouverait qu’il avait raison, qui lui montrerait qu’en effet le Kage était dissimulé parmi les Juunin du village. Il lui manquait un détail… Un tout petit détail qui pourtant pouvait faire la différence… Un détail qui changeait totalement la donne et qu’il ne parvenait pas à trouver.

Soupirant légèrement plus par dépit que par ennui, le son d’un battement d’ailes provenant de la fenêtre tira le ninja de ses songes qui sourit légèrement en l’entendant : déboulant dans la salle avant de se poser en douceur sur l’épaule du chuunin, un faucon au plumage brun vint porter un message à son nouveau maître. A peine eût-il atterrit qu’il alla nicher son bec pointu dans le cou du jeune homme qui caressa son plumage avec une douceur presque inhabituelle chez lui, sortant finalement de son manteau un peu de nourriture pour l’oiseau qu’il avait adopté dans le désert. Ce dernier tendit la patte vers lui, délivrant un message à l’homme qui lui avait sauvé la vie et qu’il servait docilement à présent. En effet, en échange des soins prodigués et d’un foyer, le rapace avait accepté de se soumettre à l’autorité de cet homme à qui il devait beaucoup et qui lui ressemblait un peu malgré tout. En à peine quelques jours, il s’était forgé entre eux une relation de confiance et de respect mutuel, comme si ils se comprenaient et se complétaient. De ce fait, c’était à Altaïr de s’occuper d’aller chercher les missions au palais du Kazekage afin de permettre à son maitre de rester chez lui, dans l’ombre et à l’abri de certains ninjas qui auraient pu vouloir le faire taire, l’enquête que menait Tetsuo l’ayant rendu légèrement paranoïaque. Prenant l’ordre de mission, il le lut brièvement et entreprit de le brûler, les flammes de la bougie venant lécher le parchemin jusqu’à le consumer totalement et le réduire en poussière les ordres du jeune homme, ne laissant plus qu’une lettre qu’il devait porter à Konoha. En silence, le shinobi se leva de son fauteuil et prit l’une des feuilles qu’il avait rédigé dans la soirée et s’approcha d’un immense panneau en bois qui siégeait au centre de la pièce. Il épingla avec un kunaï le papier sur ce tableau étrange et recula d’un pas, pouvant ainsi contempler un amas de photos, de noms, de lieux… tous reliés par des cordes rouges et des indications diverses et variées. Le produit de son dur labeur prenait forme lentement sous ses yeux et, un léger sourire aux lèvres, il abandonna un instant son enquête pour se consacrer à son véritable travail, celui de ninja.

Lorsqu’il sortit pour prendre la direction de Konoha, le soleil venait à peine de se lever et les rues étaient encore calmes et inanimées. Pour cette mission qui demandait une discrétion toute particulière, le jeune chuunin avait opté pour laisser la majorité de ses armes chez lui, ne transportant que quelques kunaïs sous son manteau et prenant le soin d’emmener son nouveau compagnon lors de son voyage, trouvant en cette mission l’occasion de nouer des liens encore plus fort avec son animal. Bien que l’activité du village en ce début de matinée fût quasi inexistante, Tetsuo ne put s’empêcher de rester vigilant et de faire bien attention à tout ce qui l’entourait, jetant des regards discrets derrière lui dès qu’il le pouvait, comme s’il avait peur qu’on le suive ou que l’on tente de l’attaquer par surprise. Il ne craignait pas vraiment les personnes qui pouvaient s’en prendre à lui pour s’approprier le message qu’il devait apporter au village de la Feuille mais angoissait légèrement à l’idée de voir les serviteurs du Kage débouler de nulle part pour l’assassiner. Pendant un bref instant, il regretta d’avoir laissé son katana chez lui mais ce sentiment se dissipa une fois qu’il vit le désert s’étendre devant lui. Le lieu si familier au shinobi le rassura, comme l’enveloppant d’un voile réconfortant dans lequel il se sentait totalement invincible, protégé par la légère brise qui soulevait le sable et encouragé par les rayons du soleil qui faisaient dorer sa peau jusqu’à lui donner un teint ambré ravissant. Ici, il avait l’impression de renaître et d’oublier tous ses soucis. Pendant trois longs jours, il traversa l’étendue désertique et sauvage sereinement, ne craignant ni d’éventuelles attaques ni l’espionnage de certaines personnes malintentionnées qui auraient pu lui vouloir du mal. Cependant et heureusement pour le jeune homme, rien ni personne ne vint troubler la première partie de son voyage qui se déroula de ce fait sans aucun accroc, le ninja profitant de ces quelques jours sans incident pour dresser son rapace et lui apprendre quelques tours qui lui seraient bien utiles dans un avenir proche. Alors qu’il continuait à avancer, Tetsuo vit alors et pour la première fois son désert adoré s’effacer pour laisser place à une forêt gigantesque et luxuriante qui lui tendait les bras.

Pendant un court instant, il resta figé devant ce spectacle qu’il n’avait jamais eu l’opportunité de contempler auparavant, émerveillé par la hauteur des arbres et la densité de la végétation. En silence, il pénétra au cœur de cette couronne de verdure en levant les yeux vers la cime des arbres, l’air béat et ne sachant plus où donner de la tête. Pendant vingt et un ans et malgré le nombre incalculables de missions qu’il avait fait, jamais il n’avait vu d’endroit comme celui-ci, ne connaissant que le désert et la mer. Il avait lu beaucoup de livres et avait toujours imaginé la forêt comme une sorte d’oasis en plus grand, mais il était loin d’imaginer qu’elle ressemblait à cette merveille émeraude que l’astre solaire réchauffait tendrement sans pour autant rendre l’air irrespirable et la chaleur étouffante. D’un certain côté, il se mit à préférer cet endroit au désert cuisant qu’il avait l’habitude de fréquenter. L’idée de rester là un peu plus longtemps disparut cependant très vite de son esprit, se focalisant uniquement sur sa mission et sur son objectif qui se trouvait au bout de cette longue route de terre qu’il foulait à présent. Vu qu’il ne connaissait absolument pas cet endroit, il avait opté pour suivre la route habituellement empruntée par les voyageurs plutôt que le chemin à travers les bois que prenaient les ninjas qui avaient déjà fait le chemin pour Konoha, préférant être sûr d’arriver à bon port quitte à être un peu en retard.

Le trajet fut bien plus long qu’il ne l’aurait imaginé et bien que le temps sembla passer beaucoup plus vite car il découvrait à chaque instant de nouveau paysages, Tetsuo commença à trouver le temps long et envisagea de souffler un peu histoire de reprendre des forces. Il quitta alors le sentier pour s’enfoncer près d’un lac qui se trouvait non loin afin de s’abreuver. Alors qu’il se rafraichissait et qu’il profitait du point d’eau pour se revigorer, le jeune homme entendit une voix près des buissons, comme si quelqu’un donnait des ordres à un groupe qui l’accompagnait. La personne ordonnait le déploiement d’un barrage sur la route pour un ninja de Suna qu’ils devaient intercepter. Leur plan était simple : bloquer le passage au shinobi avec une poignée d’hommes alors que quatre d’entre eux restaient perchés dans les arbres, prêts à tomber sur leur pauvre victime pour lui dérober un mystérieux message. S’approchant en direction des sons qui parvenaient jusqu’à lui, l’illusionniste se rendit vite compte qu’il était la cible de cette embuscade sommaire mais qui aurait pu marcher si il n’avait pas surpris leur conversation : le fait qu’il ne connaisse pas le chemin l’obligeant à suivre de très près la route, il n’aurait pu contourner ses adversaires et serait donc tombé dans leur piège idiot. Heureusement, il n’en fut pas ainsi et alors que les 6 hommes se mettaient en place, le jeune Shizuka les suivit en silence : bien vite, deux d’entre eux prirent la direction de la route alors que les quatre autres grimpaient aux arbres, suivis de près par leur cible qui était devenu le chasseur de l’histoire. Analysant la situation, il sortit quatre kunaïs et se prépara à les lancer, mais il devait d’abord faire quelque chose de primordial…

Au beau milieu de la route, les deux hommes attendaient patiemment la venue de leur victime qui se trouvait en réalité au-dessus de leurs têtes, perché sur un arbre qui surplombait la scène : d’ici il pouvait voir non seulement la route mais apercevait également dans le feuillage des autres arbres les hommes embusqués qui n’attendaient qu’un ordre pour fondre sur leur cible. D’un geste, Tetsuo ordonna à Altaïr de se jeter sur les hommes en contrebas : l’oiseau plana jusqu’à eux, dérobant alors leurs bourses avec ses serres avant de disparaitre dans la forêt. Sous le coup de la surprise, les deux individus se regardèrent un instant avant de s’élancer à la poursuite du rapace, quittant alors leurs postes en laissant le chemin de terre désert. Sans attendre, le chuunin lança ses armes de jet qui fusèrent à travers les feuilles et descendit de son perchoir jusqu’à atteindre le sol. Une fraction de seconde plus tard, le bruit sourd de quatre corps inertes se fracassant par terre derrière lui trahirent la mort des hommes embusqués, chacun un kunaï planté dans la tête ou dans le cœur. Sans même prêter attention aux cadavres, Tetsuo reprit sa route en silence, rejoint rapidement par son oiseau qui vint retrouver son maitre avec les deux bourses pleines qu’il laissa tomber dans la poche de ce dernier, se posant finalement sur son épaule comme si de rien était. Ensemble, ils reprirent la route pour Konoha.

Finalement, le village caché du pays du Feu se dessina sous ses yeux, les murs d’enceinte de ce dernier se dressant fièrement face au chuunin qui observa pendant un instant l’architecture assez particulière de l’endroit, s’avançant lentement jusqu’à la porte qu’il franchit après avoir été contrôlé par deux ninjas du village. Il inspira alors un bon coup, s’enivrant du parfum que dégageait cet endroit si différent de là d’où il venait. L’ambiance n’était pas du tout la même, plus calme et plus posée que celle de Suna mais également moins étouffante, ce qui donnait un charme à Konoha qui ne déplaisait pas au Sunajin qui depuis qu’il avait passé la frontière ne cessait de s’émerveiller devant ce pays étonnant. Lui qui n’avait connu que le désert voyait une autre face de ce monde et il aimait découvrir cet univers qui lui était jusqu’à présent inconnu. Pendant quelques minutes, il déambula dans les rues animées du village de la Feuille, s’arrêtant dans les échoppes pour goûter aux spécialités régionales et profitant de la fraicheur pour se détendre. Il aurait pu continuer ainsi de longues heures s’il n’avait pas eu le sentiment d’être suivi : derrière lui, les deux hommes qu’il avait laissé en vie sur la route étaient en train de le suivre ou plutôt de chercher un ninja de Suna quel qu’il soit. Dissimulant son bandeau accroché à son bras en tournant la partie métallique vers lui, Tetsuo bifurqua dans une ruelle et vit que les deux hommes s’engouffraient dans cette dernière à leurs tours. Le ninja s’enfonça dans les recoins sombres du village, suivit par les deux individus qui se mirent à le suivre jusqu’à ce qu’il arrive dans une impasse sombre dans laquelle le chuunin se dissimula. Camouflé dans l’ombre, il en profita pour accrocher un parchemin à la patte d’Altaïr et une fois que les deux énergumènes s’approchèrent pour le coincer, l’oiseau s’envola dans leur direction, attaquant volontairement le visage des inconnus pour les blesser, laissant voire le papier qui portait avant de s’enfuir en s’envolant. Voyant l’animal s’échapper, ils s’élancèrent tous deux à la poursuite du volatile et disparurent au coin de la rue. Quelques minutes plus tard, le shinobi de Suna sortit des ombres et prit la direction du palais de l’Hokage, lieu de son rendez-vous.

Il mit du temps à retrouver son chemin mais finit par pénétrer dans l’enceinte du bureau du chef du village, cherchant du regard l’homme avec qui il avait rendez-vous. Ne voyant personne l’interpeler, Tetsuo se souvint qu’il avait dissimulé son bandeau aux yeux de tous et le remit en place. Quelques instants plus tard, un sifflement provenant de son dos lui parvint, celui d’un rossignol… Ou plutôt d’un rossignol à l’agonie vu la piètre tentative de reproduction du cri animal qu’offrait l’homme à l’origine de ce bruit. Ce dernier semblait calme et serein mais à peine s’adressa-t-il au chuunin qu’il se mit à le réprimander :

- Vous êtes malade ? J’ai guetté votre arrivée et j’ai tout de suite vu que vous avez utilisé votre rapace pour transmettre le message ! Vous savez le risque que vous avez pris ? Et vous avez récupérer le papier au moins ?

Il allait continuer ses jérémiades si le shinobi ne lui avait pas adressé un regard froid qui en disait long sur ce qu’il pensait. Le jeune Shizuka prit alors la parole, expliquant que le message accroché à la patte de son oiseau n’était qu’un parchemin vierge et que le message n’était plus écrit mais oral, le chuunin ayant préféré garder le message sur lui pour le transmettre par la suite. Tendant la lettre à l’homme, il soupira et lui tourna le dos sans attendre le moindre remerciement, regagnant la sortie alors qu’Altaïr venait une nouvelle fois se poser sur son épaule. Devant lui, Konoha n’attendait qu’à être visitée et maintenant qu’il avait le champ libre, il pouvait se permettre de profiter un peu du village… Shin Datenshi pouvait bien attendre quelques jours après tout.