Un vent froid balayait les rues désertes de Konohagakure, faisant tournoyer entre ses rafales poussières et crasses jonchant le sol. Les premières pointes de l'aube permirent alors à y voir plus clair entre les sombres ruelles de la cité, dissimulées jusque là par une nuit d'encre noir sans lune. Non, décidément, il avait beau regarder sa situation dans tous les sens, les conditions de sa mission étaient plus que lamentables. Relevant le col en fourrure de sa veste, protégeant son cou de la bise glacée, le jeune Nara poursuivait sa ronde. Sous ses soupirs incessants, chacun de ses pas claquaient sur les pavés de la rue principale, une véritable cacophonie dans le silence d'or du village endormi. Bientôt, portant ses mains à ses lèvres afin de souffler dessus et y apporter de la chaleur, certaines lumières apparurent dans les lucarnes des habitations. La vie reprenant doucement au cœur du Pays du Feu. Son humeur s'améliora sensiblement avec l'animation commençant à grandir dans la rue. Il laissait enfin derrière lui solitude et froid, afin d'embrasser compagnie et chaleur. Les rayons du soleil commençant à exécuter leur office, et réchauffer l'air.

Toute la nuit durant, il avait du sillonner la ville. Armé d'une faible veilleuse, d'une cape règlementaire, et de sa patience, chaque recoin du village avait eu la chance de recevoir la visite du Cerf. Ses yeux d'un gris acier chassant dans les ténèbres toutes traces d'agitation suspectes. Heureusement, il semblerait que les monte-en-l'air aient décider de lui faire honneur en n'agissant pas cette nuit. A moins qu'ils fussent si redoutables que tel un aveugle ayant les yeux bandés, il fut passé à coté d'eux sans rien remarquer... Cette seconde option était tout aussi plausible, et pourtant tellement moins enviable. Enfin, là n'était plus la question. Accoudé à l'échoppe d'Ichiraku, il discutait rapidement des nouvelles avec Ichimaru, le petit-fils du légendaire fondateur de ce boui-boui où l'ont mangeait les meilleures nouilles du pays. Même si après cette longue nuitée, Sokaku décida de troquer les féculents pour une tasse fumante de café. Jetant un œil dans la rue, une pointe de soulagement le prit. Lentement, les commerces bourgeonnaient le long de l'allée commerçante, péons et badauds sortaient le bout de leur nez afin de se rendre au travail ou simplement faner de bon matin. Laissant dix ryos sur le comptoir en compensation de sa noire, mais o combien revigorante, liqueur, il se remit en marche. Certain de ses camarades lui firent signe, auquel il répondit. Certain se moquant ouvertement de sa tronche, sachant à quel point il avait en horreur ces longues promenades nocturnes. Mais que voulez-vous, la vie de shinobi est emplie de situations frustrantes où notre bien personnel est mit de coté au profit de la communauté, non ? Le sacrifice était ancré profondément dans les mœurs, au point d’être sacralisé. Le haut mémorial bâti en l'honneur des combattants morts en mission étant le plus bref et explicite exemple...

L'heure de midi sonna enfin. La matinée était passée comme une lettre à la poste et il n'eut absolument pas besoin de faire appel à ses services afin de rétablir la quiétude relaxante des lieux. De retour chez Ichiraku, dès que son service fut terminé, remplacé par un genin plus jeune que lui, à la voix chevrotante et à la tignasse sale, il s'enfila avec bon appétit deux bols de ramen, écoutant les dernières nouvelles du village, comme à son habitude. Malgré son faible grade, ainsi que son jeune age, il ne voulait pas laisser aux seuls adultes et hautes compétences les décisions entières quant au futur du village. La politique l'intéressait au plus haut point. Ce jeu géant de shogi, où honneur, renommée et prestige passaient de main en main le fascinait. Il était certain qu'un jour, il aurait sa place parmi ces habiles diplomates. Après tout, son père l'avait formé pour cela. Les mains dans les poches, il déambulait parmi les rues, se rendant désormais chez lui, afin de récupérer de sa nuit sans sommeil, et se préparer pour la prochaine mission.

Il aurait été trop beau que notre histoire se termine ainsi, vous ne trouvez pas ? C'est ici qu'intervient ce qu'on appelle généralement l'élément perturbateur. Cet élément chiant qui vient chambouler une histoire cool, sympa et tranquille, afin de la rendre bien plus ardue et y apporter de fatigantes péripéties. Seigneur, qu'il détestait ça, notre héros. Alors sur le chemin de retour, à même pas deux pâtés de maison de son douillet petit lit, ce qui semblait à un vol-à-la-tire se préparait. La vieille Kasumi, gérante d'un stand de fruits et légumes, ne semblait pas voir approcher en catimini Saito, le gamin à la morve au nez qui trainait pas loin de chez lui. Soupirant déjà, se sentant obligé d'intervenir, il exécuta ses mundras si familier, son ombre glissant silencieusement sur le sol, venant embrasser celle de Saito. Sans un mot, il se mit à reculer, sentant une légère résistance qui lui fut facile de surpasser. Ses pas à reculons les menèrent tous deux à une ruelle adjacente, où ils ne seraient pas dérangés. Dès que la coupure du ninjutsu fut produite, le beau brun s’élança vers le garnement, sa grande main l'attrapant par la peau du cou, le soulevant sans difficulté. Son physique étant assez extraordinaire pour un garçon de son age. Fronçant les sourcils, prenant une tête de racaille à faire peur, il n'hésita pas à sermonner le chapardeur :

Hey, gamin ! Que j'ty r'prenne plus à v'nir sur mes plates-bande. Ici, c'est ma zone. Alors, si t'as compris le message, tu r'foutra plus jamais tes pieds noirs ici. Il m'a compris ? Sinon, ce s'ra pas qu'des paroles que je te lancerais à la gueule !

Le relachant, lui fichant un coup de pied au cul pour qu'il se grouille les miches. Les yeux mi-clos, sentant la fatigue le lancer de sa petite intervention, ayant préféré jouer du vilain que du héros, sachant que les petits merdeux étaient plus respectueux de ces premiers, que les derniers, il regagna sa maisonnée. Espace confortable où il rejoint les bras de Morphée, une bombasse grecque aux origines divines. Mais ça, c'est leur histoire privée !